«Sobriété, simplicité et élégance, telle est ma devise pour la mariée»
Fadilah Berrada est sans aucun doute l’une des doyennes les plus appréciées au Maroc. Si son caftan illustre cette élégance tant recherchée par les créateurs, il est également le reflet d’une certaine harmonie en accord avec le corps féminin et en phase avec son temps. Célébrant le caftan, qui est pour elle l’icône sans cesse fantasmée du glamour par excellence, elle s’applique à en revisiter les codes sans le dénaturer tout en restant fidèle à la broderie et en cultivant toujours un style épuré.
Propos recueillis par Dounia Z. Mseffer
Quelles sont les tendances du moment en matière de tenues pour mariées ?
Ce sont les stylistes qui créent les tendances et chacun crée sa propre tendance. Personnellement, j’ai opté pour des couleurs pâles comme le blanc ivoire, le champagne, et les couleurs poudrées telles que le rose, le vert et le bleu. Ce sont des couleurs qui rappellent la mer, les vagues, le sable, l’eau… L’avantage avec ce genre de couleurs c’est que ça ne se démode jamais contrairement aux couleurs flashy. Pour les tissus, ce sera le satin duchesse, qui est une matière noble, le crêpe Georgette et la mousseline. Simplicité rime avec clic et élégance, donc mes caftans seront coupés de façon moderne avec des lignes très épurées et en intégrant bien sûr les broderies sans pour autant charger la tenue. Côté ceintures, elles ne dépasseront pas les 10 centimètres avec des lacets. Ma collection sera donc très fluide avec beaucoup de volume principalement vers le bas.
D’où vous vient votre inspiration ?
De la nature et de la rue. Pour moi l’inspiration, ce sont les couleurs et la rue nous apprend beaucoup de choses car ça n’arrête pas de bouger. Je fais aussi beaucoup de recherches pour connaître l’origine du caftan. En fait, je reste sur le classique tout en tendant vers le moderne car le monde change et la technologie ne cesse d’évoluer… Donc le caftan doit lui aussi changer avec le temps.
Quelle est votre définition du caftan ?
Le caftan c’est la marocaine, notre identité, notre culture et nos traditions qu’il faut savoir préserver.
Quelles seraient vos recommandations pour une mariée, en tenant compte bien sûr de sa silhouette, de sa carnation et de son style ?
Sobriété, simplicité et élégance. Il faut que la mariée ait un caftan aux lignes épurées, un maquillage également épuré, et enfin qu’elle garde sa personnalité. Personnellement, j’accorde beaucoup d’attention à la personnalité de la mariée. J’ai besoin de passer du temps avec elle pour savoir ce qu’elle aime, ce dont elle a envie, et surtout comment elle veut se voir le jour de son mariage. Il est important de tenir compte de ses envies car après tout c’est son JOUR. Ce n’est qu’après que je peux la conseiller en matière de tissus, de coupes et de broderies.
Bien évidemment, la silhouette de la mariée est très importante car il faut savoir modeler le corps pour l’amincir.
Pour une mariée avec des rondeurs, par exemple, je préfère l’évasé en allant du haut vers le bas, des tissus fluides tels que les crêpes de soie, le velours, ou encore le velours frappé qui peut être porté en été sur des mousselines. Il faut également éviter les tissus imprimés et privilégier l’uni car c’est ce qui amincit le plus. Pour les mariées minces, on va plutôt aller vers plus de rondeurs surtout au niveau du buste.
La carnation de la peau est également importante. Pour les brunes, je conseille les couleurs douces, le blanc, l’ivoire, un rose, un bleu poudré, un vert tilleul ou encore un beau rouge. Par contre les peaux claires doivent absolument éviter les couleurs jaune et orange.
Vous êtes plutôt robe blanche ou caftan blanc ?
Je suis plus caftan blanc que robe de mariée. Une tenue blanche si elle est bien coupée et travaillée, en été elle peut très bien être réutilisée. Il suffit juste de changer les accessoires, contrairement aux robes de mariées qui coûtent très chères. Je comprends que certaines filles rêvent de porter la robe blanche. C’est une satisfaction personnelle, même si elle ne la portera finalement que 10 minutes le temps de couper le gâteau. C’est pour cela que je suis surtout pour des caftans qui fassent office de robes. Et en général, celles qui tiennent absolument à avoir leur robe, je leur propose de réajuster la robe après la cérémonie en ajoutant des «aïn okada », qui est une succession de petits boutons travaillés à la main avec du fil de soie et une tilleule en couleurs. De cette manière, la robe blanche peut être réutilisée.
Par ailleurs, la mariée n’est pas obligée de choisir entre ces deux tenues, elle peut aussi opter pour une belle robe du soir aux couleurs poudrées. Elles peuvent aussi se faire faire des robes courtes au-dessus du genou, accompagnées d’un petit bouquet de fleur cela peut être très joli.
Qu’avez-vous retenu comme changements ces dernières années ? Sommes-nous entrain d’opérer un retour vers le classicisme ou plutôt un avant-gardisme accompagnant les podiums des Fashion-weeks qui pullulent un peu partout dans le monde ?
Il est difficile de répondre à cette questions car nous avons au Maroc différents styles et nous n’arrivons pas encore à savoir si l’on se dirige vers du classicisme ou du moderne. Même si personnellement, je trouve que l’on tend plus vers l’ethnique et le baroque.
En fait, nous avons beaucoup de jeunes talents qui sont très créatifs mais ils ont encore du mal à se définir. Et il n’y a pas que le caftan, ils doivent aussi investir le prêt-à-porter tout en gardant la touche marocaine.
Mon souhait est qu’un jour on pourra trouver des marques marocaines sur le marché national et international. Malheureusement au Maroc, nous n’avons pas encore beaucoup d’événements Haute Couture. Mis à part Caftan et les Fashions days organisées par la Fédération de la Couture Traditionnelle Marocaine, il y a très peu de défilés et les couturières bloquent le marché aux jeunes talents. Ce qui est dommage.
Vous êtes doyenne de la Fédération de la Couture Traditionnelle Marocaine, Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La Fédération de la Couture Traditionnelle Marocaine a été créée en 2005 par Najia Abbadi avec pour objectif de protéger le label Haute Couture, de promouvoir les jeunes talents, de défendre les intérêts des stylistes, d’organiser la communication de leur image de marque, de mettre en place des structures aux normes internationales, et enfin de valoriser le travail des mâalems et des artisans.
Mais malheureusement, il n’y a pas une vraie adhésion de la part des stylistes qui en fait attendaient surtout de la Fédération l’organisation d’événements. Les Fashions days ont été créés il y a quelques années. C’est un évènement organisé à 100% par la Fédération afin de permettre aux jeunes talents de monter sur le podium. Le dernier événement s’est tenu à Casablanca. Cette année nous les organisons au mois de Juin à Marrakech. Les stylistes ont la possibilité durant les Fashions Days de présenter aussi bien le prêt-à-porter que de la Haute Couture.
La Fédération a pris aujourd’hui son chemin. Il reste certes encore des choses à régler mais il y a un groupe de stylistes qui croient en elle et je pense que petit à petit ça va venir. Les stylistes doivent comprendre que tout ceci est fait pour eux.
Qu’apportez-vous en tant que Doyenne à la Fédération ?
«Doyenne» est un titre honorifique. C’est vrai que je suis tout le temps présente et j’apporte mes conseils notamment aux jeunes talents que je coache. Mais c’est surtout Najia Abbadi qui fait tout le travail.
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